Marguerite est née à Varennes, le 15 octobre 1701, année de la grande paix iroquoise. Son père, Christophe Dufrost de Lajemmerais, était capitaine dans les troupes du Détachement de la Marine, au temps du gouverneur Frontenac. Sa mère, Marie-Renée Gaultier de Varennes, était la fille de René Gaultier, seigneur de Varennes et gouverneur de Trois-Rivières. Elle était l’arrière-petite-fille du patriarche Pierre Boucher, fondateur de Boucherville.

Marguerite est l’aînée d’une famille de six enfants, trois fils et trois filles. Cependant, la mort vient soudainement détruire l’harmonie du foyer, en emportant leur père en pleine maturité, le 1er juin 1708. Madame de Lajemmerais se trouve dépourvue à la mort de son mari. Marguerite, plus que ses frères et sœurs, constate le désarroi de sa mère.

Grâce à la générosité de parents charitables, à l’âge de dix ans, Marguerite est admise au pensionnat des Ursulines à Québec. À douze ans, la jeune Marguerite rentre au foyer pour aider tout bonnement sa mère dans les fonctions domestiques. On la voit dans le rôle de petite maman auprès de ses frères et sœurs. Marguerite aime le monde et à dix-huit ans, elle aspire au bonheur humain. De grande taille, gracieuse et belle, Marguerite possède une grande maturité. Elle est bientôt fréquentée par Louis-Hector de Langloiserie et on parle ouvertement de fiançailles.

Toutefois, après douze ans de veuvage, Madame Dufrost de Lajemmerais décide de se remarier. En épousant un immigrant irlandais, Timothée Sullivan, la mère de Marguerite plonge sa famille dans le rabaissement de son milieu social. Ce mariage contrarie Louis-Hector qui rompt avec Marguerite. La famille s’établira alors à Montréal.

Marguerite est bientôt remarquée et demandée en mariage par un jeune montréalais, François d’Youville. Subissant l’influence de son temps, le séduisant fiancé se révèle tôt un mari noceur et frivole. Cette union lui apporte beaucoup de souffrances. Entre un époux volage et faux et une belle-mère avaricieuse, Marguerite s‘accroche à la foi.

En quelques années, François d’Youville dévore son bien, en faisant par contrebande, le trafic de l’alcool et le commerce des fourrures, ce qui nuit à sa santé et au bonheur de sa femme. En 1727, Madame d’Youville, semble vivre une situation désespérée et verse des larmes amères. Elle serait naïve de penser que François se transformera profondément. Ce conjoint n’a de place dans son cœur que pour lui-même. La vie est donc triste au foyer. Sous le coup de l’épreuve, les espoirs de Marguerite s’effondrent et la solitude, la frustration et l’isolement du cœur font partie de sa vie.

François meurt après huit années de mariage léguant à sa veuve des dettes et la laisse, à vingt-huit ans, mère de deux enfants et enceinte. Cet enfant prénommé Ignace verra le jour le 26 février 1731 et mourra le 17 juillet de cette même année. Marguerite pleure donc longuement la perte de son époux mais aussi, ce 4e enfant ravi dès le berceau.

Pauvre, Marguerite se met à secourir plus pauvre qu’elle. Elle visite les malades qui sont hors des murs de la ville pour aller rapiécer les vêtements des vieillards de l’Hôpital-Général Charon. Monsieur Louis Normand, curé de la paroisse, encourage ce zèle et autorise même Marguerite à recevoir chez elle une pauvresse, Françoise Auzon. À cette dame s’en ajoutent d’autres et bientôt trois compagnes consentent à seconder Madame d’Youville dans son œuvre charitable. Le 31 décembre 1737, les quatre associées par une consécration secrète, s’engagent à vivre en commun et, du fruit de leurs travaux collectifs, à faire vivre autant de pauvres qu’il leur sera possible. Ce moment sera noté comme la date de fondation des « Sœurs Grises. »

C’est le 7 octobre 1747, que Madame d’Youville est nommée administratrice provisoire de l’Hôpital-Général Charon. Elle ne tarde pas à entreprendre les réparations qui s’imposent. Outre les vieillards, hommes et femmes, Madame d’Youville abrite les enfants abandonnés, les aliénés, les aveugles, les soldats blessés et les prisonnières confiées par le Tribunal. Elle n’a d’autre réserve que « les coffres insondables de la Providence ». Elle écrit : « La Providence est admirable, elle a des ressorts incompréhensibles pour le soulagement des pauvres. »

Le 9 décembre 1771 une première attaque de paralysie alerte la communauté. Une rechute survient le 13 du même mois. Le lendemain la malade reçoit le sacrement des malades. À ses filles spirituelles, elle laissait le testament de sa vie. Rassemblées autour d’elle et les voyant en pleurs, elle leur parla, comme autrefois, de l’abondance du cœur. « Mes chères sœurs, soyez constamment fidèles aux devoirs de l’état que vous embrassez, marchez toujours dans les voies de la régularité, de l’obéissance et de la mortification mais surtout, faites-en sorte que l’union la plus parfaite règne parmi vous. »

Ruinée physiquement par les rudes labeurs, les luttes acharnées et les privations continuelles, Marguerite d’Youville entre à la maison du Père, au cours de la soirée du 23 décembre 1771. Au moment de son décès, comme pour sceller l’œuvre de cette femme extraordinaire, une croix lumineuse apparaît dans le ciel au-dessus de l’Hôpital Général.

Nommée comme vénérable par le pape Léon XIII le 28 avril 1890.

Le 25 juillet 1943, à l’occasion du 250e anniversaire de la fondation de la paroisse, Mgr Forget bénit une statue de la vénérable Mère D’Youville, œuvre d’art de la maison Carli-Petrucci et don de la communauté des Sœurs Grises. Le monument fut élevé sur le terrain ancestral du sieur de La Jemmerais, père de madame d’Youville, presque en face de l’église paroissiale. La statue montre Mère d’Youville, presque en grandeur nature, les mains, à demi croisées sur sa poitrine, tenant un parchemin enroulé. Au cours des dernières années une nouvelle statue a été installée, elle se situe maintenant sur le sentier devant le sanctuaire, à mi-chemin entre la rue Sainte-Anne et le sanctuaire Sainte-Marguerite d’Youville. Le sanctuaire érigé en son honneur a été ouvert officiellement le 25 juin 1961.

Le 3 mai 1959, Marguerite d’Youville sera béatifiée par le pape Jean XXIII à Rome. Elle devient Mère d’Youville, Mère de la charité universelle.

Elle sera canonisée par le pape Jean-Paul II le 9 décembre 1990.

En décembre 2010 lors d’une grande cérémonie, les restes de Marguerite d’Youville reviennent à Varennes pour y être inhumés dans l’église. Translation des Restes mortels

Pour connaître en détail la vie et l’œuvre de Marguerite d’Youville, vous pouvez visiter la nouvelle exposition permanente du sanctuaire Sainte-Marguerite d’Youville. La présentation muséale très contemporaine vise à diffuser et à expliquer le contexte de la vie de Marguerite d’Youville, sa pensée et sa profonde spiritualité, ainsi que l’œuvre extraordinaire qu’elle a créée auprès des démunis de la société, de lointain 18e siècle à nos jours.